Nicolas BECK, Université de Lorraine, France
Les raisons qui poussent les scientifiques ou les institutions à proposer des actions de médiation scientifique sont parfois discutables : recruter des étudiants dans des filières scientifiques, valoriser un laboratoire ou une équipe, ou même promouvoir ses propres recherches, parfois avant même une correction par les pairs. Certains ont aussi l’ambition de combler ce qui serait un déficit de connaissances du grand public, souvent avec l’idée - avouée ou non - d’une meilleure acceptabilité des sciences et des technologies. Dans tous ces cas de figure, la vulgarisation est-elle le meilleur outil ? Peut-on vulgariser pour communiquer ? Doit-on vulgariser pour convaincre ?
D’autres pratiques mettent en avant une science ludique voire magique ou sensationnelle, comme on peut souvent l'observer dans les animations vers les plus jeunes. La vulgarisation a-t-elle un intérêt quand elle est se présente sous la forme de science divertissante ? N’est-ce pas tromper le public que de mettre en avant une science du résultat en oubliant parfois de mentionner le chemin qui y mène ? N’est-ce pas exclure, de force, les sciences fondamentales ou les sciences humaines ?
Enfin, la médiation scientifique fait parfois peur aux chercheurs : crainte de ne pas être à l’aise devant un public, de ne pas savoir vulgariser un sujet trop complexe, d’être déstabilisé face à des gens défendant une position parfois extrême proche du complotisme. Comment y faire face pour que l’engagement des scientifiques ne soit pas freiné par le développement d’un certain obscurantisme ? Quelles réponses à apporter aux fake news ?
Cette série d’exemples illustre le fait que la médiation scientifique, si elle n’est pas pensée et préparée, peut parfois se révéler contre-productive. Nous proposons d'interroger des arguments souvent entendus et des pratiques souvent observées sur le terrain de la médiation scientifique pour faire prendre conscience de ces raccourcis parfois vite empruntés par les acteurs. Si les motivations de chaque chercheur ou professionnel de la médiation ne peuvent être toutes les mêmes, il semble important, lorsqu'on pratique la vulgarisation, de prendre le temps de réfléchir à ses propres objectifs pour mettre en place une pratique adaptée. Le sujet a pour but d’interpeller les chercheurs mais aussi les professionnels de la médiation, afin que les points de rencontre entre monde de la recherche et grand public soient nourris d’une réflexion préalable, indispensable à nos yeux.