La communication scientifique : quels bénéfices pour les chercheurs et les médiateurs ?

  Joëlle LE MAREC, Sorbonne Université, France
  Fujun REN, CAST, China

Baudouin Jurdant a été un des premiers chercheurs à inverser le questionnement sur le sens de la vulgarisation scientifique, pour l'adresser aux chercheurs : quel rôle joue la vulgarisation dans la science elle-même, c'est à dire dans le milieu scientifique ? On continue cependant de penser un spectre de pratiques (vulgarisation, diffusion, communication scientifique, médiation) à partir d'un modèle de transmission de quelque chose (des informations, des savoirs, des représentations, des productions culturelles, etc.) qui émane de la "communauté scientifique" en direction d'un public posé comme extérieur, avec l'idée que cette transmission aura plusieurs types de retombées positives, même si celles-ci sont souvent contradictoires  par exemple  la qualité des débat sur des questions politiques ayant de fortes dimensions scientifiques, et l'adhésion à la science comme projet collectif. Elle est également supposée entretenir le sentiment de la responsabilité sociale générale chez les chercheurs, qui peut pourtant se confondre avec des formes de loyauté managériale à l'institution qui organise la communication scientifique à des fins stratégiques. Les travaux menés dans différentes régions du monde (notamment en Chine, ceux de Ren Fujun, en Corée ceux de Hak-Soo Kim) traitent ainsi de ces multiples intérêts. Dans notre table ronde, nous nous interrogerons sur le périmètre des "communautés" (épistémiques, politiques, culturelles) auxquelles appartiennent chercheurs et médiateurs lorsqu'ils sont impliqués dans des communications sociales à propos de sciences : que veut-on faire, avec qui, pour qui ? Ces questionnements ont inspiré la contextualisation politique de la communication à propos de sciences par Bernard Schiele
 
L'auto-critique des sciences comme pratique culturelle et politique incarnée par Jean-Marc Levy-Leblond, le tournant ontologique face au désastre environnemental et climatique et la reconnaissance de la dette à l'égard de multiples formes de savoirs invisibilisés par les sciences, l'attention aux vulnérabilités et aux dépendances revendiquée par Mélodie Faury, l'attention à l'expérience développée par Lionel Maillot, interviennent dans une reconnaissance assumée des ouvertures hors des modèles communicationnels optimistes, routiniers, aveugles aux contradictions. Les jeunes chercheurs et chercheuses et les jeunes professionnels de la médiation qui vivent des conditions de précarité croissantes dans la plupart des pays du monde assument explicitement un lien entre pratique de recherche et vulnérabilités multiples, et ces expériences transforment ce que l'on veut partager à propos des frontières, centres et marges des lieux de production des savoirs. Ces éléments interviennent dans les pratiques de médiation. Les situations de communication, par les formes d’implication qui ont mobilisé des chercheurs et des acteurs très nombreux, ont sans doute contribué à mettre l’accent sur ce qui, dans les rapports à la science, relevait précisément de ce qui échappe à des récits surplombants de normes et de maîtrise.
 
Analyse des modèles de la communication, partage des expériences vécues dans des contextes variés de communication à propos de sciences, dissociation de la question des savoirs de celle des sciences : nous tenterons dans notre table ronde de raccorder des formes de réflexion critique et impliquée dans les sciences.