Jean-François CLICHE, Journal le Soleil, Quebec
Bernard SCHIELE,
Katharina NIEMEYER, Université du Québec, Canada
Yves SCIAMA, AJSPI, France
Luisa MASSARANI, National Institute of Public Communication of Science and Technology, Brazil
Si tous les acteurs s’accordent pour dire que le journalisme scientifique est en crise, tenter d’arriver à un consensus sur les facteurs qui ont provoqué une telle situation – ou l’entretiennent – tout comme les conséquences qu’elle entraîne s’avère beaucoup plus difficile. Les débats sont vifs entre les journalistes eux-mêmes, forcés de jongler au quotidien avec les contradictions inhérentes à une telle situation puisqu’ils y sont au premier chef confrontés. Mais les discussions sont tout autant animées entre les chercheurs qui étudient l’évolution de la presse et des magazines scientifiques, ces observateurs opérant souvent à partir de postures théoriques différentes, comme le sont aussi les conversations entre chercheurs et journalistes.
Cette plénière réunit deux journalistes et deux chercheurs dans le but d’échanger tant sur leur positionnement respectif que sur la compréhension que chacun a de cette crise. Sans présumer des arguments qu’ils développeront, on peut néanmoins rappeler pêle-mêle quelques motifs fréquemment avancés par les acteurs et les chercheurs :
• L’irruption du numérique a bouleversé le paysage médiatique, particulièrement le monde et le marché de la presse et des magazines imprimés.
• De nouveaux acteurs, issus de tous horizons : professionnels du journalisme scientifique, amateurs et profanes, interviennent désormais régulièrement sur Internet, ce qui brouille les repères, télescope les référentiels, et réordonne les registres de légitimité, d’autorité, et de réputation.
• La prégnance des médias sociaux démultiplie la portée des fausses informations et des rumeurs puisqu’elles coexistent avec les informations validées par les médias établis sans que l’internaute ne puisse nécessairement les dissocier ni évaluer la fiabilité des sources.
• Dans la société de communication généralisée où prolifère l’information, contrairement à la promesse de transparence, l’intensification des possibilités d’information sur la réalité conduit à son obscurcissement et abstraction.
• Les services de relations publiques, maintenant déployés dans presque toutes les organisations d’importance – corporations, universités, administrations publiques, etc. – élaborent des politiques et des stratégies de communication. Il en résulte une uniformisation des messages scientifiques, réalisés et mis en circulation dans une logique de commercialisation et d’intensification du discours scientifique promotionnel. Cette poussée érode la vision d’une recherche scientifique d’intérêt public et contribue à une possible réduction de la liberté de parole des scientifiques.
• Le mouvement de concentration des médias s’accompagne souvent d’une réduction de personnel, fréquemment au détriment des journalistes scientifiques spécialisés. De plus, conjugué à une intégration des plateformes, il contribue à gommer l’indépendance des journalistes en estompant la distinction entre information et communication.
• Etc.
Ces quelques éléments disparates de discours, rappelés succinctement, montrent qu’il ne s’agit pas d’une simple convulsion conjoncturelle, mais que la crise actuelle du journalisme scientifique est structurelle.