« L'homme ne peut jouir de ce qu'il sait qu'autant qu'il peut le communiquer à quelqu'un. (...) Il ne nous semble savoir quelque chose et en être certains, que lorsque nous avons convaincu de sa vérité tous ceux par lesquels nous pouvons parvenir à nous faire écouter. » Giacomo Casanova, L'Icosaméron (1788) La « communication scientifique » est usuellement pensée à sens unique : des détenteurs du savoir vers ceux qui en sont privés. Or ces deux catégories sont dépourvues de pertinence : les premiers ne savent que peu de choses et les seconds en savent beaucoup. La société n'est pas divisée en savants d'un côté et ignorants de l'autre. Pour que l'idée de communication fasse sens, il est indispensable que les scientifiques, non seulement parlent aux profanes, mais surtout, et d'abord, les écoutent. La médiation, pour remplir sa fonction, doit être réciproque et fonctionner sur le mode de l'échange, voire de la confrontation. C'est que deux questions me semblent inséparables : - peut-on produire du savoir sans le partager ? - peut-on diffuser le savoir sans en produire ? En d'autres termes : - peut-on chercher sans enseigner, vulgariser, etc. ? * - peut-on vulgariser sans avoir au moins tâter de la recherche ? Autrement dit, production et transmission de la connaissance scientifique ne devraient plus être pensées comme séparées. Et pas même comme deux faces d'une même réalité. La science elle-même, après tout, nous a montré l'existence de figures à une seule face : le ruban de Möbius, dont on parcourt continûment la surface, sans avoir à passer d'un côté à l'autre, offre une métaphore utile de ce que serait une science bien comprise, où rien ne séparerait la création et la diffusion du savoir. * Je témoignerais volontiers de mon expérience personnelle, selon laquelle nombre de mes travaux de recherche (réussis) sont nés de mes expériences pédagogiques (ratées).