La communication des chercheurs : entre vérité scientifique et engagement individuel

  Sarah KITAR, Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique, France

Si le contexte de la crise sanitaire a montré la nécessité de resserrer les liens entre sciences et sociétés, il a aussi interrogé la nature même de ces liens ainsi que le positionnement des chercheurs vis-à-vis de leurs activités de communication. On explorera les tensions à l’œuvre dans les activités de communication des chercheurs, entre la nécessité de délivrer des informations qui s’appuient sur une vérité objective, et l’injonction à incarner un engagement individuel.
En développant une activité de communication, les chercheurs s’appuient sur les images qu’ils pensent devoir renvoyer de leur métier et de leur activité. Historiquement, la figure du chercheur repose sur l’effacement de l’individu, au profit des résultats scientifiques et derrière un collectif qui établit un consensus. D’autre part, la conception positiviste d’une science qui serait pure et objective, se voit aujourd’hui renforcée par le spectre des fake-news. Il est ainsi demandé aux chercheurs de délivrer une information vérifiée, évitant la controverse et permettant d’arbitrer entre différents points de vue. Les activités de communication que développent les chercheurs dans ce cadre sont empruntes du deficit-model, et relèvent de l’information scientifique.
D’un autre côté, les politiques publiques de financement des recherches favorisent la sélection de projets s’inscrivant dans une demande sociétale. Ce faisant, les projets interdisciplinaires voire co-construits avec le tiers-secteur de la recherche se développent, obligeant les chercheurs à revoir leur positionnement. Ils sont invités à s’impliquer de manière individuelle, au-delà des frontières de leur discipline scientifique, et en lien avec un engagement personnel et des valeurs. Dans cette dynamique, les chercheurs adoptent une communication plus incarnée, où l’individu se dévoile, assume une posture où il parle de lui et où les savoirs sont situés. Cette démarche invite à envisager les activités de communication comme un espace de réflexivité pour les chercheurs.
Cette communication s’inscrit d’une part dans le cadre de mon activité professionnelle de responsable de la communication scientifique dans un établissement de recherche en santé publique, et d’autre part dans le cadre de la thèse que je mène sur les questions d’identités des chercheurs dans leurs pratiques de communication. Les chercheurs que j’observe et avec lesquels je travaille s’inscrivent dans le champ de la santé publique et du développement durable, qui sont particulièrement traversés par l’ensemble de ces questions