Pierre VAN HOVE, Centre National de la Recherche Scientifique, France
Julia COFFRE, Université de Strasbourg , France
En caricaturant, la communication semble, de façon paradoxale, parfaitement cloisonnée. Il y aurait un « grand public » qui n’y connait rien, dont il faut se méfier et à qui il faut apporter un savoir prémâché ; les « masticateurs », journalistes, vulgarisateurs… qui vont chercher l’information auprès des véritables scientifiques et finalement, les véritables scientifiques à la connaissance parfaite, discourant trop longuement, ennuyeux et péremptoires.
Au-delà de cette caricature, on trouve des publics très variés, non connaisseurs mais à l’esprit curieux et critique, des scientifiques désireux de partager leurs connaissances et capables d’extraire la substantifique moelle de leur recherche, de quitter le monologue pour être à l’écoute de leur public et des médiateurs passionnés de science et du public, à l’écoute de ces groupes plus perméables qu’on ne l’imagine.
Pour la qualité de la médiation scientifique, l’avènement de sites de bloggers ou de vidéastes est prometteur. Cela permet la diffusion de savoirs (et de savoir-faire) pointus présentés avec enthousiasme et compétence pour un public qui « s’auto-détermine » en fonction du contenu et du style. Cet avènement est aussi porteur d’inquiétudes concernant la simplification à l’extrême de savoir complexe et la diffusion massive de « fake news ». Il néglige en outre l’aspect humain de la transmission.
Nous souhaitons ici présenter une expérience alternative, pariant sur la porosité des frontières entre scientifiques, médiateurs et designer, enrichissant cette porosité grâce à une formation pluridisciplinaire. Un groupe composé d’étudiantes de master en communication graphique ou scientifique, en design graphique et de doctorantes en physique des particules est amené à élaborer ensemble des moyens de médiation. Des concepts de la physique des particules sont présentés aux étudiantes qui explorent d’abord ce que cela leur inspire dans chacune de leur discipline, évaluent ensuite la pertinence scientifique des différentes idées et produisent ensemble des objets concrets de médiation. Trois séances de travail abordant la représentation de trois concepts ont été menées ainsi qu’un premier atelier de trois jours pour en réaliser la synthèse. Un deuxième atelier est prévu en mai lors d’un séjour d’une semaine auprès du grand collisionneur de hadron (LHC) au CERN. L’objectif de ces ateliers est la production d’objets de réflexion et de médiation pour une exposition sur le statut des images scientifiques, prévu en automne 2021 sur le site universitaire de Strasbourg.
En filigrane de ce travail de production, une autre médiation est expérimentée, celle entre les élèves. C’est une médiation horizontale où chaque étudiant est expert dans son domaine et apporte aux autres. L’empathie est exacerbée et chacune des étudiantes ressent la complexité de la tâche qui incombe aux autres. L’espoir est d’atténuer les frontières entre discipline, les rendre perméables et, grâce à cela, améliorer les transmissions.