La science prise pour cible, une stratégie d’évitement pour les antis

  Philippe DE DONATO, CNRS UMR GeoRessources, France
  Jacques PIRONON, CNRS UMR GeoRessources, France

La recherche scientifique est de plus en plus au cœur de nos enjeux sociétaux, de nos débats médiatiques et en particulier en ce qui concerne la transition énergétique. Transformer notre existant et se projeter dans un futur proche induisent de nouvelles pratiques et l’abandon d’anciennes, des changements ou pertes de repères. Si expliquer ces transformations requiert des éléments d’analyse et de langages, un besoin de contextualisation, cela requiert aussi une nécessaire crédibilité et compréhension des données apportées par la Science. Dans son activité de publication, le chercheur fait état de données vérifiées, construit un argumentaire, ne se prononce jamais pour ou contre a priori mais émet des hypothèses qui seront étayées ou débattues par les travaux d’autres chercheurs. C’est ainsi que se construisent les connaissances fondamentales comme appliquée qu’il convient aussi de porter à la connaissance de la société.
L’utilisation du sous-sol à des finalités énergétiques est devenue un terrain fertile d’opposition et de controverses. Ainsi, l'opposition à l'exploitabilité du gaz de charbon lorrain s’est attaquée au travail des scientifiques impliqués dans le cadre d’un projet de recherche (REGALOR 2018-2022) soutenu par la Région Lorraine dans le cadre du pacte Lorrain. Plus de 40 chercheurs de disciplines diverses ont pour mission :
1) d’éclairer les décideurs sur les conditions d’exploitabilité pérenne et responsable du gaz de charbon lorrain en s’interdisant toutes opérations de fracturation comme la loi française l’impose
2 d’informer le public sur la thématique du gaz de charbon en Lorraine en donnant à la science la place qu’elle se doit d’occuper dans l’espace public.
Après deux ans de travaux, le constat est inquiétant quant à la place réelle de la Science dans le débat public. Comment se positionner face à une opposition s’exprimant par des actions de chantage téléphonique et de dénigrement via les réseaux sociaux afin d’empêcher la tenue d’une exposition envers le public local sur la formation du charbon et du gaz de -300 millions d’années à nos jours ? Comment réagir face à des dégradations d’installations scientifiques dont l’un des objectifs est de mettre à disposition des habitants les résultats des mesures ? Comment comprendre que les chercheurs ne soient pas consultés par les groupes d’opposition ? Et comment ne pas trouver paradoxal que ces actions d’intimidation, orchestrées par des associations d’opposants, ciblent principalement les actions de médiations scientifiques ?  Ainsi le problème devient l’action du chercheur qui met à disposition son savoir plus que le projet lui-même. Détruire ou empêcher le travail des chercheurs est ainsi une stratégie d’évitement d’un débat éclairé pour priver le public des éléments de connaissances indispensables à un débat constructif et responsable.
 

Document 1 : Document 1