Manuel ISNARDON, Université de Lorraine - Département de Géographie - Loterr, France
La solution de référence de gestion à long terme des déchets les plus radioactifs retenue en France est celle du stockage en couche géologique profonde. Après un processus d’évaluation (loi 91) le site de Bure-Saudron, à cheval sur la Meuse et la Haute-Marne, est sélectionné par le gouvernement Jospin qui missionne l’ANDRA pour créer un laboratoire de recherche à ce sujet. Son arrivée sur le territoire, accompagnée d’aides financières importantes, a créé beaucoup d’attentes pour le monde politique et économique local. D’autant plus, au sein de deux départements ruraux en grande difficulté démographique et économique, qui ont perdu au total plus de soixante mille habitants depuis 1968.
L’année 2021 est une étape importante pour le projet de stockage géologique. L’ANDRA a déposé le 3 août 2020 une demande de déclaration d’utilité publique, préalable à la demande d’autorisation de création de Cigéo (DAC). Dès lors, après instruction des dossiers par les autorités compétentes, des débats publiques, et si acceptation par l’État, la réalisation du centre industriel de stockage des déchets radioactifs (Cigéo) pourra progressivement être engagé. De multiples enjeux accompagnent ce « projet majeur » (Subra, 2018), de l’avenir de la stratégie énergétique française au devenir de ces deux départements en forte déprise démographique. C’est en effet un projet inédit qui pourrait être réalisé. Inédit par sa temporalité : 150 ans d’exploitation, 500 ans de surveillance et plusieurs dizaines de milliers d’années de radioactivité pour les déchets. Inédit par la technicité qu’il requiert. Inédit, pour ces deux départements, dans les infrastructures à aménager aussi bien routières que ferrées. Enfin, il est inédit dans le nombre d’acteurs qu’il concerne depuis les premières réflexions au début des années 1990 jusqu’à aujourd’hui.
Cette présentation abordera l’équilibre recherché par les élus locaux pour compenser l’accueil d’un site qui fait l’objet d’une opposition constante depuis l’arrivée du laboratoire. Malgré cette opposition, la possible implantation de Cigéo est perçue par les acteurs du territoire comme un levier pour la redynamisation de la Meuse et de la Haute-Marne. Outre la création de nombreux emplois directs, indirects et induits, le monde politique et économique tente de structurer ce territoire afin de favoriser sa redynamisation d’ensemble. Cependant, de nombreuses questions demeurent : Quelles seront les échelles réelles d’influence du projet autour de Bure-Saudron ? De plus, les très nombreuses strates administratives rendent difficile une mise en réseau efficace des territoires. En conclusion, notre approche mettra en relation différentes échelles de temps et d’espace pour comprendre les spécificités d’un monde rural en crise. L’arrivée potentielle du projet de stockage des déchets radioactifs en grande profondeur agira-t-elle sur le développement économique et démographique en surface, au cœur d’un territoire rural en décroissance ?