Frédéric NAUDON, CERREV – EA 3918 - Université de Caen, France
Une personne n’ayant pas de connaissances particulières dans un domaine est-elle capable d’aider un spécialiste de ce domaine à produire de nouvelles connaissances ? Cette question trouve son origine dans le croisement d’observations issues de deux champs disciplinaires différents étudiant chacun à leur façon des relations spécialistes-profanes. Le premier est celui de la vulgarisation des sciences avec les travaux de Baudouin Jurdant et de Lionel Maillot sur les effets que la vulgarisation peut avoir sur les chercheurs qui vulgarisent leurs propres sujets d’études. Au-delà des effets couramment décrits – prise de recul par rapport au savoir partagé, clarification du sujet d’étude et remotivation – ce sont les traces de pertinence des profanes qui nous ont intéressées, en particulier leur capacité à bousculer de temps en temps le chercheur avec des questions qu’il ne s’était jamais posé. Et si le profane était une ressource pour le vulgarisateur ? Le second champ disciplinaire est celui de la participation, plus précisément les recherches sur les dispositifs de démocratie technique de type mini-publics. Des traces de pertinences des profanes sont abondamment décrites notamment par de nombreux témoignages de formateurs et d’organisateurs de conférences de consensus qui ne tarissent pas d’éloges au sujet des citoyens « ordinaires ». Ils sont décrits comme étant capables d’assimiler rapidement des informations techniques, de s’en saisir et de les manipuler, mais également de comprendre des enjeux scientifiques complexes, de formuler des recommandations et de faire des suggestions raisonnables et judicieuses.
Dans notre recherche, nous avons souhaité savoir si des profanes pouvaient être des acteurs de la réflexion, aux côtés des spécialistes, lors de l’exploration d’un problème complexe. Trois dispositifs expérimentaux ont été conçus pour étudier les interactions entre spécialistes et non-spécialistes d’un domaine, dans deux contextes réputés pour leur complexité : la recherche scientifique et l’implantation d’une nouvelle technologie dans un territoire. Après avoir défini de quels profanes nous parlons, nous présenterons un des dispositifs : la réunion de laboratoire réunissant un.e chercheur.e et 4 à 8 profanes pendant une heure. Les résultats de ces expériences seront présentés. Nous préciserons les conditions opératoires qui nous semblent indispensables pour concevoir un dispositif de vulgarisation scientifique réflexive. Nous insisterons sur le nécessaire dépliement de l’espace mental de recherche du vulgarisateur, autorisant l’accès à l’intimité que le chercheur a avec son objet d’étude. Nous pensons que la modification de l’espace mental de recherche – par le chercheur lui-même – est rendu possible par ce dépliement et par l’accueil de « visiteurs » dans cet espace. Les résultats de ce dispositif expérimental peuvent, nous l’espérons, alimenter la réflexion sur le rôle de la vulgarisation réflexive au sein de l’activité de recherche.
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