Bernard SCHIELE, Université du Québec à Montréal, Canada
Toss GASCOIGNE, Australian National University, Australia
La production d’un ouvrage sur le développement de la « communication scientifique » dans le monde, intitulé Communicating Science : A Global Perspective, a permis de conduire une analyse de contenu des termes utilisés dans 39 pays pour désigner et qualifier tant les pratiques de « communication scientifique » elles-mêmes que les objets théoriques construits pour les appréhender. L’analyse a porté sur les versions originales soumises par les auteurs et a consisté en une recension systématique des occurrences des différentes appellations employées. Les résultats montrent que le champ est hétérogène, multiforme et qu’il se caractérise par un emploi indiscriminé de tout un train d’expressions auxquelles recourent les auteurs pour parler des objets auxquels ils ont affaire dans leur discours. Et il semble bien que telle soit la structure fondamentale du champ. Les résultats obtenus montrent aussi, dans les limites du corpus étudié, que les auteurs construisent leur propos autour de plusieurs dénominations, mais sans les définir, à très peu d’exceptions près. Cependant, ceux-ci privilégient certaines dénominations qui reviennent plus fréquemment dans leur propos. Et c’est justement cette relation informulée au sens, donc implicite, qui importe. Car l’emploi privilégié d’un ou plusieurs termes, peu importe leur pénétration dans le champ, et donc leur probabilité d’apparition dans les discours produits, indique que leur usage récurrent par un auteur est surdéterminé par des facteurs autres que ceux qui découleraient de conditions théoriques : ces expressions récurrentes dans un même discours peuvent être interprétées comme la manifestation de l’opérativité symbolique du contexte culturel et national dans lequel elles sont apparues et mises en circulation, et simultanément des préoccupations du moment. Autrement dit, malgré les tentatives d’ériger en discipline la recherche en communication des sciences, l’hétéronomie des discours qui s’en réclament contredit une telle aspiration. Dans l’esprit d’Habermas, nous disons qu’à l’image d’une science neutre et objective, détachée des contingences d’un contexte externe, il est plus juste d’y substituer celle d’une science surdéterminée par ce contexte qu’elle projette comme extérieur à ses objets et à ses méthodes, et que la portée idéologique de la rationalité, incarnée par la science, repose sur l’effacement de ce lien. Les recherches diversifiées, regroupées aujourd’hui sous le vocable « communication des sciences » de toute évidence, n’ont pas effacé ce lien et le contexte qui les surdétermine resurgit dans leurs objets et leurs propos. Cette communication présentera les résultats de la recherche et les pistes d’interprétation.