"Fake news", partie émergée du désordre informationnel ?

  Yvan BOUDE, Cercle des communicants et journalistes francophones, France
  Avner BAR-HEN, Conservatoire national des arts et métiers, France

Banalisée à partir de la prise de fonction de Donald Trump à la présidence des États-Unis, l’expression Fake news est depuis sa première apparition dans un tweet du 10 décembre 2016 (« Les propos de @CNN affirmant que je vais travailler sur The Apprentice pendant ma présidence, même à temps partiel, sont ridicules et faux – Fake News ! ») sur toutes les lèvres. Au point d’être élu mot de l’année 2017 par le Collins Dictionnary qui le défini alors comme « une information fausse, souvent sensationnelle, diffusée sous couvert de reportage ». Face à sa soudaine notoriété dans les médias comme dans l’espace politique ou la sphère privée, la Commission d’enrichissement de la langue française recommande dès l’année suivante de lui préférer le terme « information fallacieuse » ou le néologisme « infox » pour « désigner une information mensongère ou délibérément biaisée, répandue par exemple pour favoriser un parti politique au détriment d'un autre, pour entacher la réputation d'une personnalité ou d'une entreprise, ou encore pour contredire une vérité scientifique établie ».
 
Derrière l’apparent bénéfice offert par ses expressions « attrape-tout », qui agissent tantôt comme des mots-clés fédérateurs tantôt comme des sésames « pute-à-clic », celles-ci contraignent toutefois l’analyse des dysfonctionnements de l’information au prisme de la seule désinformation – sans d’ailleurs que l’on puisse en déduire une définition précise. Au regard de l’origine de leur popularité, elles semblent également induire le présupposé que ces dysfonctionnements ne sont apparus qu’avec le 45e président des États-Unis et que l’actuelle crise pandémique en constitue le point culminant – empêchant par là une approche socio-historique pourtant essentielle. Elles paraissent enfin valider le principe, trop souvent promu sans réelle justification, qui fait des réseaux sociaux, considérés comme des « cluster » de fausses informations, les uniques coupables et de leur régulation l’idéale solution.
 
À partir d’un large corpus de tweets, publiés dans l’espace francophone autour des vaccins et de la vaccination contre le coronavirus, et remis dans leur contexte médiatique, sémantique ou historique, cette communication a pour ambition de dépasser la seule expression de Fake news ou d’infox pour fixer un cadre d’analyse commun à une large appréhension des dysfonctionnements de l’information. Il s’agira notamment de définir la notion de désordre informationnel qui, si elle inclut le triptyque « désinformation – mésinformation – information malveillante » fixé par Claire Wardel et Hossein Derakhshan, flirte également avec les notions de « snackinformation », de surinformation ou de non-information. Nous nous proposons donc de mettre un peu d’ordre au sein du désordre et d’offrir ainsi de nouvelles pistes de réflexion et d’intervention à toutes celles et ceux, notamment journalistes ou communicants, qui s’investissent autour de ces sujets éminemment sociétaux