Simon DEVIN, Université de Lorraine - LIEC, France
Vincent FELTEN, Université de Lorraine - LIEC, France
Sandrine PAIN-DEVIN, Université de Lorraine - LIEC, France
Elisabeth GROSS, Université de Lorraine - LIEC, France
Martin LAVIALE, Université de Lorraine - LIEC, France
« Alors, elle est polluée ma rivière ? » Cette question banale nous est posée de manière quasi-systématique par les différents usagers des rivières (promeneurs, pêcheurs…) sur lesquels nous menons des travaux d’expertise. Elle illustre l’intérêt du grand public pour les écosystèmes et l’inquiétude quant à leur état de santé. Cependant, tenter de répondre à cette question révèle la complexité de l’expertise scientifique dans le domaine des sciences de l’environnement, difficulté que nous rencontrons en premier lieu dans notre champ disciplinaire. En effet, l’évaluation de la qualité de l’eau repose sur une combinaison d’indicateurs chimiques, physiques et biologiques pour lesquels il reste délicat de définir de manière précise des critères, des seuils permettant d’attester d’une « pollution » en intégrant l’ensemble des informations disponibles.
L’environnement naturel est celui dans lequel nous évoluons tous, et sur lequel nous sommes tous détenteurs d’une certaine expertise, basée sur nos usages et notre pratique de ces milieux, et sur nos propres connaissances. Répondre à cette question nécessite donc d’aller au-delà des savoirs et compétences spécifiques à la chimie, à l’hydromorphologie, à l’écologie ou encore à l’écotoxicologie, et de s’interroger ou d’interroger ce qui est attendu et audible par le public en terme d’expertise et de communication autour de cette expertise. A l’interface se trouvent les gestionnaires, sur qui repose également cette mission de transmission et traduction de l’expertise scientifique.
L’identification de cette « expertise citoyenne », de ses forces et de ses faiblesses, des mécanismes qui en sont à l’origine est donc une première étape nécessaire pour établir un échange, construire une expertise « inclusive », sans pour autant dire que tous les avis se valent. Il est également nécessaire de comprendre comment non seulement ces pollutions sont acceptées / acceptables (ce qui est détectable visuellement n’est pas ce qui est forcément le plus dommageable pour les écosystèmes), mais aussi quelles sont les réactions à la naturalité d’un milieu, la représentation d’un milieu à son optimum écologique étant très variable
Au travers de trois études portant sur une ré-évaluation de l’écotoxicité d’un fongicide suite à une polémique entre régulateurs et associations de défense de l’environnement, sur la controverse alimentée par la présence de glyphosate dans une rivière prisée par les pêcheurs et sur un projet de mise en place d’une baignade urbaine, nous présenterons les questionnements à l’interface sciences & société qui nous ont amenés à nous associer à des chercheurs en sciences de l’information et de la communication et en sociologie urbaine, afin d’élaborer un discours de l’expertise prenant en compte la dimension sociétale, renforçant ainsi son acceptabilité, sa diffusion et freinant les controverses nourries par une méconnaissance des mécanismes de l’évaluation de la qualité de l’environnement