La géothermie profonde en Alsace : une acceptabilité sociale contrastée, obstacle ou garant d’une véritable transition énergétique ?
Céline KUTLU , Université de Lorraine- Laboratoire IRENEE, France
Grâce à sa spécificité géologique, l’Alsace connaît un développement en matière de géothermie profonde. En effet, le changement climatique a rendu nécessaire la recherche de nouvelles sources d’énergies. Considérée comme renouvelable, la géothermie profonde paraît être une solution séduisante. Toutefois, c’est une technique récente qui reste encore complexe à l’heure actuelle. En effet, les contraintes technologiques, juridiques et financières, de même que les risques et les impacts environnementaux ne sont pas négligeables.
Poussée par une volonté politique de transition énergétique, l’Eurométropole de Strasbourg (EMS) développe de multiples projets de géothermie profonde sur l’ensemble de son territoire. Encore mal connue du grand public, cette énergie provoque pourtant des réticences et des inquiétudes. Ces dernières, exprimées lors des enquêtes publiques entre 2014 et 2015 portent majoritairement sur la localisation des projets, la manque de recul de cette technique et sur les risques environnementaux, tels que la sismicité et les mouvements de terrain, ou la pollution de la nappe phréatique par exemple. Sur cinq projets portés par Fonroche Géothermie ou ES Géothermie, trois ont reçu un avis favorable de la part du préfet. Ainsi, le manque d’acceptabilité sociale de tels projets pourrait se révéler être un obstacle à la transition énergétique.
De récents évènements viennent pourtant confirmer les réticences de certains citoyens. L’EMS a connu une succession de séismes ressentis entre octobre et décembre 2020, dont la plus forte magnitude a été enregistrée à 3,6 sur l’échelle de Richter. Il pourrait s’agir de séismes induits par les projets de géothermie profonde autour de l’agglomération. Par conséquent, le projet de géothermie profonde de Vendenheim qui avait été autorisé par un arrêté préfectoral du 24 mars 2016, a été stoppé par un arrêté préfectoral du 7 décembre 2020 ordonnant l’arrêt définitif des opérations.
Ces évènements confirment que nous sommes encore dans une trajectoire d’apprentissage. L’obstacle que représente l’acceptabilité sociale est donc nécessaire dans une société démocratique, d’autant plus que l’étape d’enquête publique permet aux citoyens d’exiger plus de prudence de la part des pouvoirs publics. L’acceptabilité sociale ne constituerait donc pas un frein mais plutôt une impulsion vers une meilleure transition énergétique intégrée dans son environnement et dans le respect de la démocratie. Cependant, nous verrons que la procédure d’enquête publique est menacée.
L’enjeu sera alors de comprendre le lien étroit entre les enjeux du sous-sol, la place du Code minier qui peut se révéler inadapté dans la prise en compte de la démocratie et des exigences de protection de l’environnement, les objectifs de développement des énergies renouvelables, et le rôle que joue le citoyen, acteur principal de la démocratie, dans la transition énergétique, et plus précisément dans l’acceptabilité des projets locaux de géothermie profonde.