Michel DESHAIES, Université de Lorraine, France
Le concept de transition appliqué principalement au système énergétique, connaît depuis quelques années un certain succès médiatique et politique. S’il paraît à terme nécessaire de faire évoluer le système énergétique afin de réduire les émissions de GES, la croyance dans les possibilités de changements radicaux et rapides semble s’être emparée de beaucoup de citoyens et de responsables politiques, à l’image de l’UE, dont le Pacte Vert prévoit une décarbonation complète de l’économie dès 2050.
Malgré la nécessité de faire évoluer le mix énergétique mondial, la transition énergétique est aujourd’hui à peine amorcée. Le rythme très élevé de la croissance de la consommation énergétique mondiale, portée par les pays émergents, notamment la Chine, fait que l’essentiel de cette croissance est couvert par l’augmentation de l’utilisation des énergies fossiles. Si les énergies renouvelables ont fait des progrès spectaculaires depuis 2000, leur part dans la consommation d’énergie primaire n’était que de 11 % en 2018. Leur part dans le mix énergétique n’a progressé de manière significative que dans un nombre réduit de pays riches. Dans les pays émergents comme la Chine, où la consommation d’énergie croît très vite, les énergies renouvelables augmentent aussi, mais ne représentent qu’une très faible part de la croissance de la consommation.
La limite principale à la substitution des énergies renouvelables aux énergies fossiles est leur faible densité de puissance qui contraint à installer des capacités de production de 5 à 10 fois supérieures à celles existant en énergies fossiles. Or, pour créer ces capacités de production, il faut pouvoir exploiter des surfaces considérables. Par ailleurs, la création de grosses capacités de production électrique intermittentes pose un problème de gestion du réseau, impossible à résoudre en l’absence de capacités de stockage suffisantes (Sinn, 2017). Enfin, de nombreux experts (Smil, 2017 ; Ausfelder et al., 2017 ; Vahrenholt & Lüning, 2020) font remarquer que baisser les émissions en Europe, ou aux Etats-Unis, en désindustrialisant, contribue à les augmenter dans les pays émergents, où sont fabriqués de plus en plus de produits, dans des conditions environnementales souvent désastreuses (Pitron, 2018).
C’est pourquoi la transition énergétique des énergies fossiles vers les énergies renouvelables ne peut être qu’un processus très long, au fur et à mesure que sera reconfiguré le système énergétique. Ces réalités qui sont celles mises en avant par les experts les plus reconnus (Smil, 2015, 2017 ; Sinn, 2017), peinent pourtant à influencer les politiques énergétiques. Celles-ci semblent au contraire de plus en plus guidées par la fixation d’objectifs qui se veulent ambitieux ; mais qui sont en décalage avec les réalités et les évolutions observées. Il semble plus que jamais urgent que les politiques énergétiques, notamment en Europe, tiennent davantage compte des résultats des recherches scientifiques.